Démarche

Qui sommes-nous ?

    « En quête d’une matière qui puisse, en les traversant, les remplir »  La Horde du Contrevent, A. Damasio

    Notre corps demeure notre premier contact, nos premières limites entre notre intériorité et le monde extérieur. Mouvant et fragile, il nous rappel chaque jour notre condition d’êtres vivants par la finitude de nos chairs putrescibles. A la fois lieu de contact et de repli, il recèle notre potentiel de création et de destruction. Ce «chair corps» évoque un paradoxe entre sécurité et enferment.

    On retrouve cette ambiguïté jusque dans nos constructions mentales. Nos expériences et notre éducation nous modèlent au cours de notre vie. Nous formons souvent une carapace afin de mieux nous protéger. Mais notre nid peut se transformer en prison de certitudes qui nous empêchent d’évoluer. Que faire de ces «armures-cages» ? Certaines peuvent se défaire, boulons par boulons. D’autres sont soudées et il ne reste plus qu’à vivre avec, dans une amplitude réduite mais familière. Nous pouvons aussi prendre le risque de muer, d’abandonner ces carcans quitte à être à nu, pour un temps, face à l’extérieur.

    Nous sommes des animaux sociaux et vivre ensemble nous impose des rôles qui peuvent parfois nous sembler inadaptés ou restrictifs. Ils peuvent aussi être sécurisant quand nous nous adaptons aux cases préétablis par le cadre de la société que nous avons construite. Notre obnubilation pour l’avancée technologique nous mène vers une dématérialisation de la société. Ouvrant sur le questionnement des rôles de chacun et de ses limites, ce progrès transforme également notre environnement nous poussant donc à évoluer.

    Nous sommes résiliants. Quelle solution (Solus) avons-nous ? Comment amorcer la transition nécessaire à notre transformation? Chercher dans le passé, s’en nourrir et se métamorphoser pour avancer en se délestant des traumas et simplement vivre.

L’ acte de création questionne en lui-même la nature de l’existence. Que faisons-nous ? Pourquoi ? 

    Jacques Lacan nous dit que tout acte n’est que tentative de fusion depuis la perturbation identitaire du stade du miroir chez l’enfant et d’après Louise Bourgeois «L'art, est l'expérience, ou plutôt la ré-expérience d'un trauma.» * Dans mon cas, la création est un besoin fondamental.

    Interpellée pendant mes études par les travaux d‘autobiographies fantasmées de Christian Boltansky et les portraits en creux d’Annette Messager, et bien d’autres, les notions d’identité, de corps, de cadre et d’espace sont récurrentes dans mon travail. Par une quête anthropologique de l’Homme, je cherche à nous définir. Où se bornent les frontières de l’identité ? À notre corps, notre esprit, notre habitat, notre existence ? 

    Autant physique que sensible, les limites de mes oeuvres sont mouvantes, se rétractent et s’étendent à la manière d’une respiration. Mise en abime du corps vivant, les mouvements d’expansion et de contraction induisent la notion de temps. En faisant référence au réel, j’utilise le modèle vivant et/ou l’intervention du spectateur pour évoquer la pluralité temporelle et la multiplicité des espaces. J’aime les installations immersives car elles brouillent les frontières de l’oeuvre et celles de l’espace d’exposition. Elles transforment également le rôle du spectateur en acteur, il devient composante de l’oeuvre. 

    Qu’est-ce que serait l’Art sans personne pour le percevoir ? La finitude de nos existences est-elle la mort de notre identité ? Comme enfanter, l’acte de création permet de déborder les frontières de notre altérité en laissant des parties de nous survivre. Vivre c’est laisser une trace, une empreinte, un héritage. 

Pour moi, créer c’est exister.

*Destruction du père, reconstruction du père. Écrits et entretiens, L. Bourgeois

J R W            .